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Le coin lecture...

Comme dans une bibliothèque, entrez sans bruit et feuilletez mes chroniques! Je tente de vous aiguiller, selon mes goûts, vers des lectures qui pourraient bien vous plaire!


Deux sœurs, par David Foenkinos

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Le nouveau roman de David Foenkinos, intitulé "Deux sœurs", est présent sur les rayonnages des librairies depuis le 21 Février 2019 et, comme à chaque fois, c'est une joie pour moi. Joie de la découverte. Découverte de nouveaux personnages, d'une nouvelle histoire. Mais aussi des éventuelles délicieuses marottes et autres notes de bas de page dont il a le secret. Déjà, d'avance je sais que je vais quoi qu'il arrive retrouver son merveilleux sens de la formule. Rien que d'y penser, je trépigne!

 

Après son magistral précédent roman, "Vers la beauté", je me demandais quelle histoire captivante il pouvait bien avoir écrit cette fois... J'étais loin de m'imaginer lire des choses aussi fortes et folles... Parce que oui, c'est une plongée dans la folie qui vous attend...

 

Ce roman, c'est l'histoire de Mathilde, la trentaine, qui forme avec Etienne un couple heureux. Elle est professeure de français dans un lycée et adore son métier et ses élèves, à qui elle communique sa passion pour Flaubert et en particulier pour "L'éducation sentimentale". Lors de leur dernier voyage en Croatie, Etienne lui a proposé de l'épouser et de fonder une famille. Mais peu de temps après leur retour, Etienne change d'attitude. Il est distant, gêné. Pressé de questions, il avoue qu'il a revu son ancienne compagne, Iris, et que cette rencontre l'a bouleversé. Etienne a compris que sa vie devait s'accomplir avec elle. L'univers de Mathilde s'effondre. En proie à une douleur inouïe, elle s'aperçoit que toute sa vie tournait autour de l'homme qui l'a quittée. Malgré le soutien d'une voisine psychiatre ou du Proviseur du lycée qui l'apprécie beaucoup (et même sans doute un peu plus), elle sombre et finit par être suspendue après avoir commis une faute grave. Sa sœur Agathe la recueille dans le petit appartement qu'elle occupe avec son mari Frédéric et leur petite fille Lili. La relation entre les deux sœurs se redéfinit dans cette cohabitation de plus en plus éprouvante. De nouveaux liens se tissent peu à peu au sein de ce huis-clos familial où chacun peine de plus en plus à trouver l'équilibre.

 

La tension est palpable à chaque instant. On sent qu'il suffirait de peu pour que l'allumette s'embrase. Et puis un jour tout bascule...

 

En effet, tout bascule à la page 145. Je sentais bien depuis plusieurs pages que quelque chose se tramait... Il y a donc, à mon avis, deux parties dans ce roman. La deuxième verse totalement dans la folie furieuse et la violence à cet instant-là. Cette dernière devenant concrète. Elle qui, jusque-là, était plutôt larvée.

 

Je ne sais pas si vous allez être d'accord avec moi, mais je constate une chose: jusqu'à présent, l'écriture de David Foenkinos était douce, aérienne. Même lorsque la situation était grave, il arrivait à mettre de la légèreté, allant parfois jusqu'à l'humour et une certaine couleur, pour décrire l'indescriptible. Puis, avec son précédent roman, j'ai bien senti qu'une autre page s'ouvrait pour lui dans son style d'écriture qui, bien que la douceur demeurait, s'avérait devenir de plus en plus sec, dur, nerveux, voire violent. Cette écriture qui fait haleter un lecteur ne sachant pas à quoi s'attendre.

 

C'est précisément ça qui m'avait mis dans un état de joie toute neuve. J'adore ce virage stylistique que prend la plume de celui que je considère comme le meilleur romancier français et que je me plais à chroniquer depuis plusieurs années pour mes lecteurs sans me lasser. Ce virage stylistique qui se confirme pleinement et définitivement dans ce nouveau roman. Cela lui confère une dimension supplémentaire que j'appellerais simplement le génie.

 

A travers ce nouveau roman, j'ai l'impression de redécouvrir mon auteur préféré, de lire quelqu'un d'autre tout en le reconnaissant parfaitement. L'air y est étouffant. Paradoxalement, tout cela lui donne un nouveau souffle. Non pas qu'il s'encroûtait, mais je ne suis jamais contre la nouveauté, d'autant plus si le renouvellement est réussi! L'impression est étrange mais très excitante, motivante et engageante. L'air frais régulier du cinéma semble faire le plus grand bien à son écriture!

 

Un roman de David Foenkinos se savoure, bien qu'il soit toujours (trop) vite lu. Cette fois encore, même plus que jamais ai-je envie de dire, si vous ouvrez ce livre, vous ne pourrez le refermer avant d'avoir atteint le point final. Ce point final qui vous glacera le sang...


12/03/2019
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"Un bonheur que je ne souhaite à personne", par Samuel Le Bihan

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J'attendais beaucoup de ce premier roman. Principalement parce que je suis admiratrice de longue date du travail de l'acteur. Peut-être tout aussi principalement parce qu'en tant que personne en situation de handicap, le sujet me touche plus, que j'y suis d'autant plus sensibilisée, à plus forte raison que j'ai moi-même travaillé auprès d'élèves atteints de troubles du spectre autistique.

 

Autant vous le dire tout de suite et avant toute chose: il FAUT lire ce livre. Parce qu'il est nécessaire, essentiel. Parce qu'il est juste beau, et qu'il ouvre une porte sur un monde à part, presque inconnu, une autre réalité, une autre temporalité, un monde atypique (par opposition aux humains neurotypiques que nous sommes). Mais un monde riche et bien plus sensible et sensé que la plupart imagine. Avant même sa sortie, j'avais trouvé le titre génial!

 

Je n'avais plus rien lu d'aussi beau sur le sujet depuis "Ma vie d'autiste", de Temple Grandin et "Moi l'enfant autiste" de Judy et Sean Barron. C'était des témoignages, j'avais 14 ans et c'est alors que j'ai commencé à m'intéresser de près à l'autisme. Je vais garder mon élégance toute féminine et me contenter de vous dire que ça fait donc un sacré bail!

 

Cette fois, c'est sous la forme d'un roman, avec des personnages (pas si) fictifs et un autre contexte, que Samuel Le Bihan a souhaité raconter son parcours du combattant (ou des combattants, en l'occurrence). Puisque ce combat qui est le sien et celui de toute une famille est aussi celui de sa fille. Quand on connait la pudeur et la discrétion de l'acteur, on ne s'étonne pas du mode narratif qu'il a privilégié.

 

Dans ce roman, on suit donc le combat de Laura, célibataire et mère de deux enfants, dont l'un d'eux, le plus jeune, est atteint de troubles du spectre autistique (oui, c'est long, mais je déteste le mot "autiste", bien trop réducteur à mon goût, compte tenu de la diversité que recouvre ce handicap).

 

Tout au long de ce roman écrit avec brio, nous suivons ce long et douloureux parcours, de l'annonce du diagnostic à la scolarisation de cet enfant, tant dans son aspect pratique que psychologique.

 

En filigrane d'abord, puis de plus en plus clairement ensuite, c'est également le parcours de Laura qu'on suit entre ces pages. Son parcours personnel, de femme cette fois. Avec tout ce qui en découle: ses sacrifices professionnels, ses envies, ses rêves, ses colères, ses déceptions, ses doutes, ses peurs. C'est alors l'histoire d'une longue et parfois douloureuse quête amoureuse à laquelle, nous lecteurs, nous assistons.

 

Au fond, c'est un fabuleux hommage aux femmes, aux guerrières qu'elles sont quand la vie s'acharne sur elles, quelle que soit la circonstance. Puis c'est un cri d'amour d'un parent à son enfant..

 

Ces deux histoires en une qui s'enchevêtrent vont connaitre des rebondissements pour le moins inattendus, aidées par quelques êtres humains aux allures d'anges gardiens...

 

J'ai dévoré ce livre. Pour plusieurs raisons que voici: c'était osé de faire le pari d'un roman d'amour sur ce sujet. Parce que véritablement, au-delà du handicap, des difficultés et des retentissements qu'il a sur la cellule familiale entière, c'est bien D'ABORD une histoire d'amour.

 

Pourtant, les écueils classiques du pathos guettaient. Et puis non, jamais! Samuel Le Bihan n'élude rien et c'est tant mieux. La réalité nue du handicap est là, simplement. Brute souvent. Tendre et drôle parfois. Effectivement, j'ai pas mal ri à différents moments! Parce que le handicap, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, c'est aussi de l'humour... beaucoup d'humour! 

 

Autre raison: j'y ai reconnu là mon propre parcours. Parce que finalement, une personne en situation de handicap, quel qu'il soit, est confrontée à tout ça, fatalement. Malheureusement. Et la famille entière par ricochet. C'est en outre le parcours de celle que j'appelle "maman" depuis ma naissance (du moins depuis que je sais parler, n'exagérons rien!) que j'ai parfaitement identifié.

 

Mais ce serait mentir que de dire qu'à travers l'histoire et les personnages qu'il a imaginés on ne retrouve pas tout de Samuel Le Bihan, au minimum en tout cas celui qu'on connait à l'écran dans les rôles qu'il incarne. Son écriture parle pour lui. Il y a tout de sa dualité cinématographique, des rôles de taiseux, du pince-sans-rire, au gros dur au cœur tendre. Une sorte d'Alex "La Tendresse" au féminin, cette Laura! J'aime à penser d'ailleurs qu'il y a, dans ses rôles ou dans les mots qu'il a posés tout au long de ces 246 pages, entre des passages romancés, beaucoup de ce qu'il est dans l'intimité...

 

Enfin, la dernière raison qui m'a fait dévorer son livre, c'est la richesse du vocabulaire et la maitrise du style. Toute femme lettrée que je suis, je dois avouer que j'y ai appris quelques mots. Comme quoi, on en apprend à tout âge! Pour un roman, je ne m'attendais pas à ça. En général c'est un genre où le vocabulaire y est somme toute assez commun.

 

Le style n'est pas en reste. Il faut aimer passionnément la Femme pour réussir à se glisser comme ça dans sa peau, sa psychologie. Il n'y aurait pas eu de nom sur la couverture, on aurait pu penser que le roman avait effectivement été écrit par une femme! L'écriture s'avère être aussi délicate, sensible que passionnée, presque excessive et hystérique par moment, comme peut l'être une femme parfois. Sans compter les détails que pourtant seule une femme pouvait décrire avec autant de précisions. C'est par ailleurs tellement bien écrit et décrit, que j'ai pu mettre des visages sur les personnages.

 

Seule chose sur laquelle j'ai un peu tiqué sans toutefois en faire toute une histoire: la préface. Bien que très bien écrite par l'illustre personne qu'est Jean-Christophe Rufin, elle n'était pas à mon sens nécessaire. Même si je comprends que Samuel Le Bihan ait voulu, en lui laissant cet espace d'expression, mettre à l'honneur quelqu'un d'important, qui l'a beaucoup aidé, comme il l'a fait bien justement dans les remerciements.

 

Samuel Le Bihan acteur, c'était déjà quelque chose. Mais Samuel Le Bihan écrivain, alors ça, c'est un bonheur que je souhaite à tout le monde! J'attends avec une impatience non feinte un prochain roman... et pourquoi pas une suite à cette si belle histoire?! Car derrière l'apparente tristesse, derrière la bataille, la noirceur et la colère, l'acteur néo romancier signe un ouvrage d'une clarté et d'une joie incroyables. C'est bourré de lumière et de positivité!

 

Voilà un roman à conseiller à TOUT LE MONDE sans distinction, et qui, même s'il est d'abord destiné à faire jaillir des émotions, je l'espère fera avancer le combat mené non seulement en direction de l'autisme en France, mais plus généralement du handicap dans sa globalité et sa grande diversité... Sa visée informative n'est donc pas à négliger.

 

* A noter qu'une plateforme téléphonique devrait voir le jour bientôt, grâce à l'appui acharné de l'acteur et d'une armée de gens plus anonymes mais non moins courageux et déterminés.


23/01/2019
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Le sens du bonheur, selon Jiddu Krishnamurti

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Il y a quelques mois j'ai lu un livre, ce livre, qui a tout changé. J'avais depuis un moment l'envie de vous faire partager cette découverte, ce sera chose faite cette fois.

 

Vous savez combien j'affectionne de lire et faire découvrir des perles de sagesse, qu'elles soient hindouistes ou bouddhistes.

 

A Noël 2017, mon frère m'avait offert ce livre que je souhaitais avoir depuis un moment déjà. Si je savais à peu près à quoi m'attendre en le lisant, je n'en mesurais pourtant pas encore la portée.

 

Je tiens à vous prévenir: si vous n'êtes pas disposés à réfléchir sur vous, à vous remettre en question, à réfléchir au monde qui vous entoure, à changer vos habitudes et votre système de pensée, pas la peine d'aller plus loin, vous pouvez retourner à vos activités quotidiennes! Pour les autres, suivez-moi, je vous emmène au cœur de vous-mêmes...

 

Si j'ai été aussi bousculée après la lecture de ce livre, c'est que dans celui-ci, Krishnamurti soulève, par ses questions posées et les réponses qu'il y amène, des réflexions pour le moins inattendues.

 

Bien qu'assez ardu (j'ai parfois du relire certains passages pour bien les comprendre et intégrer les notions et les pensées complexes développées), il demeure riche par les thèmes abordés. En effet, par ce jeu de questions-réponses dont je vous parlais plus haut, l'auteur, grand philosophe et penseur, sans doute révolutionnaire avant l'heure, disparu en 1986, invite à repenser le monde... en se repensant d'abord et avant tout soi-même, au plus profond de soi. Plus encore, en voulant définir ce qu'est le bonheur, il en fait jaillir la notion centrale: ce livre est un hymne à la liberté.

 

Si tout le monde a plus ou moins son idée et sa définition du bonheur et de la liberté, moi en première ligne, Krishnamurti bouleverse tout. En abordant des sujets aussi vastes et compliqués que l'éducation, la différence entre spiritualité et religion, entre autres, il les relie tous à une même notion: cette fameuse liberté. Petit à petit, au fil de la lecture, on comprend vite que la liberté, tout comme le bonheur dont il est question, n'est pas simplement l'absence totale de contraintes et de malheurs, mais que ces deux notions naissent, coexistent et demeurent avant tout en nous, du fait de nos pensées, de nos actions et de nos comportements. Et ce, qu'ils soient dirigés vers nous ou vers autrui.

 

De quoi penser que finalement, la liberté (et donc par extension le bonheur) est un thème bien trop souvent galvaudé, mal employé dans les conversations et surtout mal utilisé dans la pratique. 

 

J'ai très vite compris que la liberté qu'on recherche, à laquelle tout un chacun a le droit et aspire pour accéder à ce Graal qu'est le bonheur, vient ENTIÈREMENT de nous et qu'il ne fallait rien attendre de l'autre. Là où la majorité des gens dans notre monde moderne et individualiste, où éducation rime avec futur asservissement, souhaite être libre et heureux en faisant systématiquement porter le poids et la pression des responsabilités sur les autres

plutôt que de réfléchir à ses comportements, ses agissements, elle ignore totalement qu'en fait, la liberté EST véritablement une responsabilité à prendre pleinement en charge. 

 

Cette liberté requiert un apprentissage, une discipline, une éthique (le gros mots suprême pour notre époque où seul le profit importe!), de multiples et perpétuelles réflexions, un libre-arbitre, des sacrifices même parfois. Elle exige de prendre conscience du trésor qu'elle représente. Que ce soit en matière de travail, de spiritualité, de religion. Et même en matière d'éducation puisque la liberté qui donnera naissance au bonheur s'acquiert dès l'enfance, par l'éducation des parents d'une part, la façon d'enseigner et le contenu de l'enseignement à l'école d'autre part. La liberté pour le bonheur est un exercice, un effort constant à fournir pour la maintenir en vie en nous et autour de nous toute la vie.

 

Ainsi, selon Krishnamurti, il ne peut y avoir de liberté et de bonheur s'il y a dans la vie d'un être humain un quelconque être qui va penser et décider à sa place. Ceci étant aussi bien sûr valable d'un point de vue religieux et politique, ou même dans n'importe quel autre domaine de la vie. La liberté, et donc le bonheur, sont à la portée de tous mais uniquement dès lors que l'être humain arrive à penser par lui-même et avant tout pour lui. Car la liberté pour le bonheur est une quête. C'est en pensant pour lui d'abord que l'Homme améliore ensuite ses relations aux autres et sera un des maillons de cette chaîne qui entraînera le mieux-être d'une société toute entière. En effet, comment voulez-vous faire le bien autour de vous s'il n'y a pas déjà en vous une base saine et belle pour élever l'Autre?...

 

Si vous pensez qu'il n'y a rien d'extraordinaire là-dedans, c'est sans doute que vous avez encore trop de certitudes. Vous n'êtes peut-être pas encore tout à fait prêts. Mon parcours de méditante et très intéressée par les questions de spiritualité m'avait déjà amené sur ce terrain de réflexions depuis quelques années. Alors le choc que j'ai ressenti en lisant "Le sens du bonheur" est exactement venu de là: enfin quelqu'un valide mes réflexions de longue date! Je ne pensais donc pas mal, je ne faisais pas fausse route, je n'étais pas si atypique que ça!

 

Je suis ressortie de cette lecture rassérénée, pleine d'espoirs et de possibles. Rien d'utopique, non. Que du réalisable si d'autres commencent à reprendre conscience...

 

Et de la liberté naîtra alors le bonheur...


19/01/2019
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L'éloge de la beauté selon David Foenkinos

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J'écris cette chronique comme à mon habitude après 22h, alors que je viens tout juste de refermer "Vers la beauté", le dernier roman de David Foenkinos, sorti le 22 Mars 2018. Un nouveau roman de David Foenkinos, c'est toujours un événement que j'attends avec une impatience toute unique.

 

Je vous le confesse sans honte, j'avais eu, pour la première fois depuis son premier roman, bien du mal à me plonger dans son précédent, "Le mystère Henri Pick". Lasse, j'avais capitulé en plein milieu, alors que je m'étais efforcée de l'atteindre. Ce sont des choses qui arrivent et c'est juste une affaire de goût.

 

Cette fois, la donne est totalement différente. Ce n'est pas un roman, c'est au-delà, de l'ordre du chef-d’œuvre. Un véritable coup de cœur, le même que j'avais eu pour "Charlotte", autre chef-d’œuvre absolu, pour d'autres raisons.

 

Si vous êtes habitués de sa plume particulière et reconnaissable entre mille, que vous avez en votre possession ce dernier-né et que vous ne l'avez pas encore lu, vous allez une fois de plus vous régaler. Si c'est la première fois que vous lisez cet auteur, vous allez devenir accro.

 

Pour moi c'est la plus belle histoire jamais écrite jusque-là dans sa bibliographie. Du premier au dernier mot, on ne peut tout simplement pas lâcher ce livre.

 

Il est difficile d'en dire assez pour donner envie aux autres de le lire sans tout de suite risquer d'en dire trop et gâcher le plaisir.

 

Mais je peux néanmoins dire qu'on se retrouve embarqué au cœur de l'histoire trouble de l'étrange Antoine Duris, professeur aux Beaux-Arts de Lyon, passionné par Modigliani. Empêtré dans sa relation de couple qui s'éteint, on comprend néanmoins mal la réaction de ce passionné d'art, Maître de Conférence apprécié de tous, lorsqu'il décide de tout quitter du jour au lendemain pour un modeste emploi de gardien de salle au musée d'Orsay, à Paris.

 

Certes on saisit vite son envie, voire son besoin vital de se faire oublier, mais pourquoi? Et puis, qu'est-ce qui le fascine tant dans ce portrait de Jeanne Hébuterne, dernière compagne de Modigliani?

 

Le destin tragique de cette femme dont il n'a de cesse d'admirer silencieusement la beauté sur cette toile, va faire qu'il croisera  la route de Mathilde Mattel. Puis on découvrira plus tard Camille.

 

Ce roman comporte réellement un avant/après, très net. Un avant et un après la découverte par le lecteur d'une tombe sur laquelle il est mystérieusement inscrit "Camille Perrotin 1999 - 2017", justement.

 

Si dans la première partie on se délecte de retrouver, en couleurs malgré tout, quelques marottes et autres notes de bas de page, des tics d'écriture, un prénom familier des lecteurs et lectrices assidu(e)s que nous sommes également (il me faut avouer que chaque fois que j'ouvre un de ses livres, ce sont ces éléments que j'espère toujours retrouver); dans la deuxième partie on bascule complètement dans la noirceur, la morbidité, la violence, la tristesse.

 

Mais dans l'intégralité du roman, c'est bien la beauté qui domine: la beauté des mots, la beauté des personnages, tant dans leur description physique que dans l'expression de leur psychologie et de leurs sentiments sous la plume de David Foenkinos. Même le tragique est d'une infinie beauté. Il n'y a qu'à lire cette scène d'une incroyable sauvagerie, que je ne révélerai pas, pour s'en convaincre. Ici aussi, l'auteur de génie sait mettre de la délicatesse dans les mots. Ç'en est presque incroyable. Je me suis demandé comment il réussissait ce tour de force, avant de me rappeler qu'il est, en tout cas pour moi, un de nos plus grands romanciers. C'est donc logique. Et il fallait au moins toute sa maestria pour écrire, décrire l'indicible de cette manière.

 

Pas un instant je n'ai pu imaginer ou prévoir l'histoire déchirante que mes yeux découvraient, ligne après ligne. Page après page, je suis assoiffée, je veux connaitre la suite. Je suis comme littéralement happée dans ce tourbillon littéraire. Jusqu'au fin mot de l'histoire, ce moment où l'on comprend tout, où le puzzle se recompose...

 

Alors c'est la stupeur qui domine. Je me suis surprise à voir clairement le visage des personnages, presque y mettre une voix, tant c'est si bien écrit. On souffre avec eux, on suffoque avec eux, on ressent tout avec eux, si bien que je suis parfois essoufflée, j'ai les yeux mouillés. Le destin croisé de ces personnages, que la beauté de l'art, mêlée à la bienveillance, sauvera momentanément ou sur un plus long terme, ce qui pourra mener à une guérison, ne peut laisser personne indifférent.

 

Dans "Vers la beauté", il y a un peu de "Charlotte" Salomon, un peu de "délicatesse" aussi. C'est violemment délicieux, ça se lit aussi vite qu'on prend son temps pour apprécier chaque mot, chaque tournure de phrase. Et comme à chaque fois, on est triste d'arriver à la fin. A ceci près qu'en plus ici on a du mal à reprendre son souffle et ses esprits. J'aurais voulu vous citer quelques phrases, mais comme d'habitude, le livre dans son entier est une citation à lui tout seul.

 

Tout comme l'écrivain en lui-même, en véritable Artiste, illustre parfaitement le postulat de départ de sa nouvelle histoire: la beauté de l'art, le sien en l'occurrence, peut sauver.

 

En effet, dans chacun de ses romans je me suis un peu ou beaucoup identifiée aux situations, reconnue dans l'un ou l'autre de ses  fabuleux personnages. A tel point que je me questionnais à chaque lecture: comment fait-il pour écrire ces belles histoires humaines, complexes et pourtant tellement ordinaires au fond, en s'approchant si près de mon vécu, de mes sentiments? Peut-il lire dans les pensées?! Hypothèse ridicule s'il en est! Reste que cela procure un bien-être, presque un soulagement, immense. Ce roman ne fait pas exception à la règle. L'écriture, l'art de David Foenkinos, est véritablement thérapeutique par sa beauté.

 

Jetez-vous (doucement!) sur ce roman et laissez-vous (em)porter. David Foenkinos est l'auteur que j'ai le plus chroniqué sur ce blog. Dites-vous que c'est tout sauf un joli coup du hasard...!

 

Après la déception toute personnelle de son précédent roman, qui contraste avec la nouvelle belle réussite en tandem au cinéma avec son frère Stéphane, avec qui il a réalisé "Jalouse", je suis heureuse d'avoir retrouvé la superbe d'un auteur qui ne cesse de se renouveler et surprendre, pour le meilleur et rien que pour ça...


06/04/2018
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Cali ou l'amour par-delà la mort...

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Il y a des livres qui, lorsqu'on les lit et selon ce qu'on vit, font autant de mal que de bien. C'est le cas pour le premier roman de Cali, intitulé "Seuls les enfants savent aimer", paru aux éditions du cherche midi le 18 Janvier 2018.

 

Pardon de paraphraser mais... "Si vous n'avez pas encore lu ce livre, je vous envie!" Vous aurez encore l'immense plaisir de la découverte.

 

J'avais, pour des raisons toutes personnelles, peur de me lancer dans cette lecture maintes fois repoussée. Et puis Cali est venu en parler dans une charmante librairie messine le 20 Mars. C'était il y a quelques jours et alors ça m'a convaincu de ne pas avoir peur de me plonger entre ces lignes. Avant cela, je n'avais rien voulu lire, rien voulu voir au sujet de ce livre, pour garder toute la fraîcheur de la découverte et ne pas me laisser influencer par tel ou tel papier, telle ou telle opinion.

 

"Seuls les enfants savent aimer", c'est avant tout le titre d'une chanson présente sur le dernier album de Cali, intitulé "Les choses défendues". C'est désormais le titre de son premier roman.

 

Maman. S’il est un mot magnifique dans notre langue, comme dans toutes les autres langues du monde d’ailleurs, c’est bien celui-là. C’est même le plus beau, je crois. Lorsqu’on ne peut plus le prononcer, ou quand on le fait mais que plus personne ne répond à l’appel, que le mot se cogne partout pour nous revenir droit dessus, c’est tout notre monde qui s’écroule, c’est toute notre vie intérieure qui s’arrête. Quel que soit notre âge. Mais bien plus encore lorsqu’on a six ans et que l'innocence enfantine domine.

 

"Seuls les enfants savent aimer", c’est l'histoire d'une quête d'amour, son histoire, sur une période qui couvre sa 6ème et 7ème année. Un petit garçon devenu le poète Cali, dont la plaie constituée par la mort de sa mère reste béante et avec lequel on souffre à chaque page.

 

Si Cali a toujours eu l’habitude dans ses chansons de livrer de façon plutôt brute les sentiments humains les plus profonds, positifs ou négatifs, grâce à son écriture vive et précise, on pouvait déjà aisément penser qu’écrire l’amour et la passion revêtait pour lui un caractère salvateur. En lisant son premier roman, j’ai confirmé cette impression qui ne m’a pas quittée, page après page : écrire ce livre a sans doute eu pour lui une dimension réellement cathartique.

 

J’ai compris avec encore plus d’acuité l’importance de son énergie sur scène, des mots justes et ciselés dans ses textes, qui sont, j'en ai toujours été convaincue, un bout de ce qu'il est. L’importance de ses sourires, de sa générosité, de son amour de l’Autre, de son attention prêtée à l'Autre. Je comprends toujours plus sa personnalité généreuse, humaniste et altruiste, son besoin furieux, irrépressible et sans fin de reconnaissance, d'attention, d'amour. En recevoir, oui, mais en donner aussi. Beaucoup, sans cesse. Je comprends encore mieux les sources d'inspiration qui ont donné naissance aux magnifiques textes de ses chansons. Je comprends mieux son regard bienveillant, tendre sur chaque personne qui croise sa route. Je comprends soudainement le sens profond des mots de chacune des dédicaces qu'il m'a faites au fil des rencontres avec lui. L’importance de ses slams, de sa douce proximité tactile avec nous, son public fidèle. Les slams sur le public, ça porte, ça berce, ça bouscule gentiment. Un public c’est maternant, quelque part. Il n’y a donc pas qu’un chien qui soit doux comme une maman...

 

En fait, en lisant ce livre, on comprend encore plus et encore mieux qui il est, pourquoi et comment il en est arrivé à être l'adulte qu’il est aujourd’hui. Quand on arrive au dernier mot de la dernière page, on a envie de pleurer, ce qu'on a fait durant toute la lecture du reste, on a les yeux mouillés, la gorge serrée. On aurait presque envie d’aimer les cons ou même son voisin, qu’on trouvait pourtant bien emmerdant jusque-là! Plus sérieusement, on a surtout envie d’appeler sa maman pour lui crier qu’on l’aime, lui dire "merci", "pardon" et plein d’autres trucs comme ça.

 

La mère, thème intemporel, universel par excellence, pourtant maintes fois mais magnifiquement écrit et chanté, est ici célébrée de manière unique. C’est bouleversant, déchirant. Alors on a aussi envie d’aimer et entourer Cali encore plus, si toutefois c’est possible. Après tout, un cœur d’admirateur (trice) ne se fatigue jamais d’aimer, il y a toujours l'énergie et la place pour ça. On a envie de lui dire bien droit dans les yeux qu’on ne le laissera pas, jamais, qu’on sera toujours là, qu’il mérite tout ça, toute cette belle vie. Cali… Câlin… A une lettre et un accent circonflexe près, on y est!

 

Cali fait ici prendre brutalement conscience que finalement, quand on perd sa maman, on reste ou on redevient soudainement un enfant devant cette perte irréversible, ce vide immense qui ne se comblera et ne guérira jamais. C’est une mort qui n’est pas la sienne mais dont on ne revient pourtant jamais non plus, ou plus tout à fait pareil. Cet écrit démontre l’importance du processus de deuil, de la parole, des actes posés, de l’échange entre membres d’une même famille.

 

Au fil des lignes que nos yeux parcourent, on suit les péripéties de ce petit garçon, coincé entre ses actes de petit garçon, ses bêtises, petites et grandes, et son inépuisable besoin d'amour maternel qui restera à jamais insatisfait, mais qu'il cherchera inlassablement partout, dans toutes les figures féminines qu'il croisera. Même auprès de cette petite chatte. Auprès de son père également, resté inconsolable et incapable de consoler. Ce père qu'il essaiera de protéger comme il peut et qu'il ne cessera jamais d'aimer, malgré toutes les maladresses. On ressent d'ailleurs tout l'amour que cet homme brisé porte à ses enfants, ainsi que l'amour que se porte la fratrie. On perçoit nettement l'importance non négligeable des grands-parents, comme un prolongement logique de l'amour parental.

 

On y croise l'importance de l'amitié, à l'image de celle, magnifique, exclusive, sans concession, qu'il va entretenir avec Alec, qu'on perçoit être pour lui un modèle, un idéal, qu'il met sur un piédestal.

 

Mais la vie du petit Bruno, c'est aussi... les filles! Et plus particulièrement la jolie Carol, qui n'a de cesse de chambouler tout son être.

 

Avec ce premier roman écrit à hauteur d'enfant, on pleure. Beaucoup. On s'émeut. Tout le temps. On rit. Parfois.

 

C'est superbement écrit, décrit, parfois violent, cru. C'est tout Cali. Les souvenirs, qui se confondent avec l'imagination enfantine, sont vifs, précis. Finalement les deux se mêlent, on ne sait ce qui a été inventé ou réel et dans le fond, on s'en fout. Parce que c'est juste beau, subtil. Et déchirant. Infiniment triste et déchirant.

 

Oui, ce roman est aussi brutal et triste dans son expression qu'il regorge de tendresse pour cette enfance, ceux qui l'ont habitée avec lui et que la vie lui a volée. On se met à sa place, on se rappelle les personnes qui ont perdu une maman autour de nous et même si, heureusement, la vie nous a préservé jusque-là de cette tragédie, on se dit qu'un jour, nous aussi, on aura à nouveau 6 ans...

 

Ce livre c'est, au-dessus du tragique, un hymne à l'amour des présents. Parce qu'en filigrane il y a malgré tout cette flamme de la vie qui brûle toujours, cette idée d'aimer et de dire l'amour à ceux qui sont encore là, tant qu'il est encore temps. Le dire partout, tout le temps, de n'importe quelle manière.

 

Je n'ai pas pu lire ce roman d'une seule traite. J'ai du faire des pauses. Parce que parfois c'est suffocant. D'amour, de bonheur, de désespoir.

 

Mais comme dans toute l’œuvre de Cali, il y a derrière la noirceur extrême l'idée de résilience, de reconstruction. C'est donc aussi un roman plein de futur, d'espoirs, de couleurs. Parce que l'enfance a cela de beau qu'elle renferme en elle tous les possibles. Elle ne s'interdit pas de revivre à nouveau, permet d'être à nouveau heureux. De recommencer. Ou plutôt continuer, autrement.

 

Je vous conseille mille fois de lire ces 189 pages. Parce que nous sommes tous, ou nous serons tous potentiellement concernés par cette perte, un jour. "Seuls les enfants savent aimer", du haut de son statut de roman, n'avait jusque-là aucune prétention. Pourtant je suis persuadée qu'il pourra aider celles et ceux qui ont perdu leur maman, qu'il leur permettra de libérer, apaiser quelque chose en eux. Et pour les autres comme moi qui ont la chance d'avoir encore leur maman, ce livre leur permettra de l'aimer toujours plus...

 

Parce que la mort arrache physiquement les êtres aimés. Oui. Mais elle reste à jamais vaincue sur un aspect: elle ne peut enlever ni l'estime, ni l'amour ou l'amitié que se portent deux êtres. En cela, la mort ne peut rien. La mort n'existe pas, définitivement...


23/03/2018
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