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"Autobiographie d'une Courgette", de Gilles Paris

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Chers rêveurs, voilà une chronique que vous allez adorer! Du moins je vais tout faire pour, faites-moi confiance!

 

Le livre que je vous présente ce soir vient d'un auteur vivement conseillé par une amie lectrice, il y a plusieurs mois de cela: "Tu ne connais pas encore Gilles Paris?! Tu verras, tu vas adorer, je le sais! Lis vite ses livres! En plus c'est un homme absolument adorable!". Effectivement, en lisant le résumé du livre, je savais que l'histoire me toucherait, sans pourtant me douter complètement de ce que je pourrais y trouver.

 

Une première rencontre récente me permettra de remarquer que ce que Gilles Paris montre de lui dans l'univers virtuel et ce que mon amie m'en avait dit est en totale cohérence avec ce qu'il est réellement. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce trait de sa personnalité transparait dans ses écrits.

 

Je décide de me pencher enfin sur un de ses romans que j'ai en ma possession.

 

"Autobiographie d'une Courgette", c'est l'histoire d'Icare, mais tout le monde l'appelle Courgette. Il a 9 ans mais déjà une vie bien douloureuse à porter. Livré à lui-même, sa maman est alcoolique, lui crie dessus tout le temps et son papa "est parti faire le tour du monde avec une poule", selon les dires de sa maman qu'il répète et comprend ainsi. Un jour, un événement dramatique change le cours de sa vie, qui bascule. Son monde s'effondre: son cadre, ses habitudes, son entourage. Alors c'est toute une ribambelle d'enfants et d'adultes qu'on va découvrir autour de lui. Au fil du roman, Courgette va découvrir une nouvelle vie et de nouveaux sentiments.

 

Ce roman, c'est l'histoire d'une vie brisée, raccommodée progressivement aux délicats fils de tendresse et de patience déployées par les personnages que la Vie mettra sur sa route et qui feront office de pansements, presque de remparts au désespoir.

 

Gilles Paris a pris le parti de se mettre dans la peau d'un enfant de 9 ans pour écrire. Et je me dis que c'est une entreprise courageuse, osée, qu'il n'y a rien de plus difficile que ce style d'écriture. On peut vite tomber dans l'exagération, la caricature.

 

Après l'avoir lu, je peux vous certifier que Gilles Paris rejoint sans peine le cercle de ceux qui ont adopté un tel style avant lui avec brio, à savoir l'immense Raymond Queneau et sa petite Zazie, ainsi que Salinger et son grand dadais de Holden Caulfield. J'ose la comparaison parce que c'est celle qui m'est venue spontanément. Même si le niveau de langage et l'âge des personnages ne sont pas les mêmes, on est dans le même esprit. Et c'est juste magnifique.

 

Et qu'est-ce qu'on y trouve dans ce roman? Je vais vous dire que ça dépend de la façon dont vous l'avez lu. Je m'explique: ce roman offre la possibilité de deux positionnements pour le lire.

 

J'ai commencé par le lire avec à proximité un paquet de bonbons Haribo et un chocolat chaud. Histoire que mon âme et mes yeux d'enfant ne soient jamais très loin. J'ose d'ailleurs espérer pour vous que vous ne les ayez pas paumés en cours de route, moyennant quoi je vous plains vraiment. Autant dire que vous êtes foutus pour le restant de vos jours! La vie ne sera pas facile pour vous! Pour ma part, de cette façon j'ai beaucoup ri. Parce que le langage enfantin, écrit comme on parle, les mots répétés (le "et" en est un bel exemple), les expressions imagées d'adultes interprétées par l'imagination et la réflexion fertiles, farfelues et alambiquées des enfants, les bêtises enfantines, les gros mots, moi, ça me fait toujours rire. Et puis... C'est vrai... qui n'a jamais roté et pouffé après avoir bu une boisson gazeuse?! Que celui-là me jette la première pierre! Il est si drôle ce langage enfantin! Je ne saurai vous donner un exemple précis, tant le livre est un jardin de bons mots. "Tu fais chier, La Courgette!"! Voilà une phrase qui m'aura fait rire tout du long, tant j'entends cette petite voix enfantine la dire! Je visualisais le visage du personnage aussi, et c'était délicieux!

 

J'ai été très émue. Parce qu'au fur et à mesure que se sont égrainées les pages, je me suis rendue compte qu'un enfant, ça entend, voit et comprend la Vie avec une acuité bien plus grande qu'on ne peut le croire. ça comprend même des choses très profondes et implicites que les adultes ne voient pas ou plus. Ou pire, des choses qu'on cache aux enfants, croyant naïvement qu'ils n'y verront rien. Les plus naïfs ne sont pas ceux qu'on imagine, parfois... Je me suis rendue compte que la naïveté et la candeur sauvent. Les enfants peuvent bien traverser les pires épreuves, pour un peu qu'ils aient l'esprit rêveur et l'imagination débordante, ils voient toujours les choses avec de la couleur et de l'espoir. Mais ça, peut-être que par la force des choses je le savais déjà et que je ne voulais pas le voir... Allez savoir... De même qu'on peut leur faire subir les pires choses, ils auront toujours de l'amour au fond d'eux, spécialement à l'encontre de leurs parents.

 

Une fois que j'avais fini la lecture, j'ai arrêté de boulotter mes Haribo et ma tasse de chocolat était vide. J'ai su qu'il était temps de passer à une interprétation adulte de ce roman. Des Courgette, des Camille, etc... Ces situations... Et puis des z'éducs, des Madame Papineau et des Monsieur le Juge, j'en ai croisés pléthore pendant que j'étais étudiante assistante sociale. Ce roman m'a replongé dans un quotidien que j'ai connu de près, trop près peut-être, avec toute la violence que ça comporte. Au travers des mots d'enfants, avec pudeur, candeur et humour, on décèle pourtant très vite la dureté et la complexité de ces histoires de vie, de la violence de celle-ci qui frappe l'enfance, période importante, qui forme l'adulte de demain. Cette période sensée être la plus belle, la plus saine et la plus sécuritaire pour un enfant. ça a fait remonter chez moi des sons, des mots, des images. ça amène à un questionnement à la fois simple et complexe: l'enfance, par la naïveté dont je parlais, est-elle la période la plus propice au mécanisme de résilience? Cette période permet-elle de pouvoir tout pardonner? Peut-on, un jour, tout oublier? Ce roman devient alors une véritable chronique sociale de la violence quotidienne et malheureusement ordinaire.

 

Et c'est là où c'est très fort. Réussir à évoquer des actes des plus horribles, les indicibles horreurs touchant des enfants, en adoptant le positionnement d'un enfant, son langage, sa vision des choses... ça n'enlève rien à la violence, je dirai même que je l'ai ressentie comme exacerbée, ça la rend d'autant plus insupportable et révoltante, mais étrangement ça se lit plus facilement. Et parce que l'enfant dédramatise, on se laisse happer.

 

Au final, Gilles Paris signe un livre bienveillant, tendre, drôle, bien que la violence sous-tendue ne quitte jamais l'esprit du lecteur. La richesse du style, la justesse avec laquelle il est employé donnent toutes leurs forces à cette histoire qui se finira comme elle a commencé: dans la beauté.

 

Il faut avoir un sacré enfant intérieur pour écrire ainsi... Il doit être bien bruyant chez Gilles Paris!

 

Je saute maintenant sur un deuxième roman, du même auteur, dont je vous parlerai très vite!



21/09/2014
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