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"Charlotte": mise en lumière d'un génie au destin brisé, par David Foenkinos

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Voici que je vous présente le premier livre d'une longue série, en cette rentrée 2014. Vous le savez, David Foenkinos est mon auteur favori depuis j'ai eu entre les mains sa "Délicatesse" en 2008.

 

Lorsque je me suis offert son nouveau roman à sa sortie le 21 Août, j'ai d'emblée été emballée par le sujet, qui me touche fortement.

 

Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, jeune artiste juive au destin tragique et à la vie familiale compliquée et mouvementée, morte à Auschwitz à 26 ans, alors qu'elle était enceinte.

 

J'ai comme toujours été happée, subjuguée par l'écriture, pourtant si différente par rapport aux romans antérieurs auxquels David Foenkinos nous avait habitué.

 

Effectivement, pour ce roman auquel il pensait depuis longtemps, on découvre des phrases courtes: sujet, verbe, complément. Sans aucune autre forme de fioriture. Et puis il y a le point qui tombe. Lourd. Comme pour souligner la dureté d'une époque, d'un destin, d'une histoire de famille. Lourd comme cette fin qu'on pressent inéluctable au fur et à mesure de la lecture, mais qu'on espère pourtant autre. Lourd comme le poids des sentiments et des vies, portés par les frêles épaules de Charlotte.

 

Exit les marottes, les personnages récurrents, même si on retrouve facilement les tournures de phrases et formules poétiques qui lui sont propres et qu'un lecteur passionné par l'auteur reconnait dès les premiers mots.

 

David Foenkinos emploie parfois la première personne du singulier pour évoquer ses recherches, ses découvertes, ses sentiments.

 

Ce roman, c'est de la poésie à l'état pur, brute, en prose. Hommage vibrant, sincère, fait avec force, et qui semble traduire la passion, la fascination, presque l'amour même, que porte l'auteur à Charlotte. Peut-être devine-t-on également une espèce d’obsession de sa part, lorsque, à la découverte des lieux qu'elle a traversé, il s'en voit interdire l'accès. On le sent imprégné d'elle, de tout ce qui faisait Charlotte. En tout état de cause, David Foenkinos lui a rendu, par ce roman, la considération que tout un chacun doit à un être humain et la reconnaissance de son talent. Tout cela,  elle n'y avait pas eu le droit de son vivant.

 

C'est souvent violent et fiévreux, mais pourtant un nuage de tendresse ne cesse de planer sur toutes les pages. Et c'est semble-t-il à l'image fidèle de la personnalité et de la vie toute entière de Charlotte Salomon.

 

Je ne connaissais pas cette artiste, et avec ce roman, j'ai envie maintenant d'aller plus loin, d'en savoir plus. Elle m'est apparue comme une femme libre, insoumise, pleine d'envies et de rêves, sans doute en avance sur son temps, avec la fraîcheur de son jeune âge. Tout ce que je peux aimer.

 

Mais ça m'a aussi fait réfléchir sur certaines questions: qu'est-ce qu'un génie, au fond? Quel est, et d'où vient ce déclic qui pousse un jour à une frénésie créative, ultime essai de propulsion vers une pulsion de vie qu'on espère salvatrice? Les esprits torturés forment-ils réellement le génie? L'art peut-il vraiment sauver?

 

Une chose est sûre: s'il ne l'a pas sauvée, cet art aura survécu à Charlotte Salomon. Les dessins qu'elle a laissé en héritage l'ont au moins sauvé de l'oubli. Et David Foenkinos aura contribué à mettre en lumière et sublimer le travail d'une jeune femme trop tôt et injustement disparue, folie dévastatrice oblige. Mais laquelle, finalement? Celle d'un seul homme ou celle de toute une famille? Et si c'était les deux? Si la guerre ne l'avait pas tuée, aurait-elle survécu?

 

La folie. Voilà, si ce n'est LE thème central, au moins un des thèmes du roman. La (les) passion(s), le poids d'une histoire, d'un non-dit, d'un secret de famille sur la descendance. Et puis il y a aussi et surtout l'amour et la haine qui s'entremêlent ici. Parce que oui, ce livre est aussi le prétexte pour analyser la complexité des rapports amoureux au sein d'un couple ou d'une famille. Et c'est magnifiquement écrit.

 

C'est un roman dont on ne sort pas indemne, qui bouleverse, fait réfléchir et incite à la curiosité artistique.

 

Qui dit roman, dit vérité embellie, fiction. Où est le vrai, où est le faux? Impossible de le déceler, tant tout concorde. Et à la limite, chers lecteurs, je m'en fiche. La beauté est partout.

 

Encore une fois, j'ai versé quelques larmes en refermant ces pages trop vite lues, d'une traite. Précipitez-vous, lisez, découvrez, soyez curieux. Et n'oubliez jamais ensuite. C'est cela aussi, le devoir de mémoire. Sous un autre aspect, mais cela en fait partie. Pour le bien de tous.

 

Quant à l'auteur, que son écriture soit grave ou légère, je reste fidèle parce que je ne cesse de vibrer, livre après livre.



12/09/2014
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